La Refonte De La Phénoménologie


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La refonte de la phénoménologie Marc Richir wikipedia La phénoménologie de Husserl - telle qu'elle est exposée dans les écrits devenus "canoniques", les Ideen I et les Méditations cartésiennes - est généralement comprise comme une analyse eidétique des vécus de la conscience. Que cette analyse doive être eidétique, cela suppose que soit pratiquée la réduction phénoménologique transcendantale, puisque c'est ainsi seulement que, selon Husserl, les vécus pris pour exemple dans l'analyse peuvent, en dehors de leur factualité, être considérés comme des exemples quelconques de l'essence dans la variation eidétique. Cela implique que cette phénoménologie recourt à deux instruments que l'analyste doit faire fonctionner ensemble : la perception interne, celle de tel ou tel vécu dans et par un vécu, et l'intuition eidétique (Wesensschau). L'inconvénient apparent de prendre pour objet d'analyse un vécu qui, outre son caractère empirique, a celui d'être toujours déjà temporalisé au passé dans le "moment" de l'analyse - comme si la perception interne n'était qu'un souvenir -, est immédiatement compensé par le fait que la réduction eidétique, pour ainsi dire, le "détemporalise", en fait l'exemple quelconque de l'eidos, présent à la perception. Il en résulte ainsi une sorte de "dé-réalisation" ou de neutralisation de la réalité positive et empirique du vécu, qui va en effet de pair avec la réduction phénoménologique transcendantale - l'analyse phénoménologique n'est pas une "introspection". dans son infinité -, mais que, tel est, dans la ligne husserlienne, le "regard phénoménologique", elle se soit toujours déjà implicitement effectuée - que ce regard, précisément, ne porte pas sur le factuel, mais en quelque sorte d'emblée et du même coup sur l'essentiel. Or, pour Husserl, l'essentiel de la vie consciente de la conscience consiste en actes et enchaînement d'actes. Et, selon son analyse, tout acte de conscience a une structure qui articule noèse (visée de sens, ou plutôt de revistadefilosofia.org ment effectuée par le phénoménologue - donc que le soit la variation eidétique eikasia Cela, cependant, ne suppose pas que la réduction éidétique soit actue lle- 55 SEPTIEMBRE 2 0 1 1 La refonte de la phénoménologie ⏐ Marc Richir significations), hylè et noème, qui constituent ensemble un tout hylémorphique comportant la significativité "remplissant" la visée et correspondant à un (ou des) objet(s) - lesquels peuvent être réels, imaginaires ou idéaux. La hylè est formée par la noèse, et n'est proprement discernable, par abstraction du tout constitué par le noème, que dans ce noème lui-même, comme ce qui, pour ainsi dire, lui donne ses "couleurs" propres, mais qui peut être vide si la significativité est ellemême vide de "contenu" relevant de la figurabilité de l'intuition sensible (imaginative ou perceptive). Cette structure complexe d'un rapport entre visée et visé est celle, bien connue mais pas toujours comprise, de l'intentionnalité. Chez Husserl, tout acte de la conscience est intentionnel, donc aussi tout vécu de la conscience est pris dans cette structure - la hylè qui se retrouve et est distinguée au niveau du noème jouant, du côté de la noèse qui l'in-forme, le rôle passif, et cela entraînera, nous le verrons, un paradoxe, quand l'extension que Husserl a donnée au concept d'intentionnalité nous paraîtra indûment excessive, car sans limites. Quoi qu'il en soit, l'analyse phénoménologique ne se borne pas, on le sait, à exhiber les structures complexes de tels ou tels eidè de vécus. La finesse de cette analyse est aussi d'avoir compris que, pour constituer un tout phénoménologique, l'acte intentionnel, même en son essence, ne constitue pas, chaque fois, une totalité absolument close sur elle-même, ce qui, au demeurant, en rendrait la dite analyse impossible. Il n'y a pas d'intentionnalité