E-Book Overview
La morale n'est pas seulement affaire de raison. Elle engage aussi l'imagination. Tout ce qui compte moralement dans une situation ne se donne pas d'emblée, au premier coup d'oeil. Pour percevoir ce qui importe, il faut changer de perspective, recadrer la situation ou la comparer avec des alternatives contrefactuelles. L'imagination nous permet ainsi de voir les choses autrement et d'élargir notre perception morale. Elle enrichit notre connaissance, comme le montre encore le recours aux expériences de pensée. Quels sont les mécanismes psychologiques à l'oeuvre ? Comment en tenir compte dans nos délibérations ? Martin Gibert propose de repenser le rôle de l'imagination en morale à la lumière des recherches les plus récentes en éthique et en psychologie.
E-Book Content
L’imagination en morale Ouvrage publié avec le concours du Fond de recherche québécois sur la société et la culture www.editions-hermann.fr ISBN : 978 2 7056 8940 7 © 2014, Hermann Éditeurs, 6 rue Labrouste, 75015 Paris Toute reproduction ou représentation de cet ouvrage, intégrale ou partielle, serait illicite sans l’autorisation de l’éditeur et constituerait une contrefaçon. Les cas strictement limités à l’usage privé ou de citation sont régis par la loi du 11 mars 1957. Martin Gibert L’imagination en morale Depuis 1876 L’avocat du diable Collection de philosophie normative contemporaine dirigée par Charles Girard « Je suis l’adversaire, mon rôle est de contredire. Chaque fois que vous croirez tenir une solution, je serai là pour y jeter du noir. Je vous empêcherai bien de vous endormir dans la certitude, qui est l’inertie de l’intelligence. Cherchez toujours, je viendrai vous secouer de temps en temps. » Le Diable au café, Louis Ménard Le diable apporte la contradiction. Satan signifia d’abord l’adversaire ou l’accusateur et le rôle de l’advocatus diaboli était d’opposer des objections aux arguments avancés, pour mieux en éprouver la force. L’avocat du diable n’est pas celui qui défend le mal par perversion ou par goût de la polémique, mais celui qui impose, contre l’évidence illusoire ou le consensus paralysant, la tenue d’un débat contradictoire. C’est l’exigence d’argumentation et de confrontation des raisons que cette collection veut promouvoir, en faisant entendre les voix plurielles de la philosophie normative contemporaine, dans les domaines politique et moral, mais aussi juridique, économique et social. Comité scientifique : Catherine Audard, Charles Larmore, Bernard Manin, Ruwen Ogien, Philippe Van Parijs Comité de publication : Magali Bessone, Speranta Dumitru, Oliver Flügel-Martinsen, Christopher Hamel, Alice Le Goff, Geneviève Rousselière À la mémoire d’Alain Gibert, chercheur associé en folklore imaginaire. Introduction J’imagine que je pourrais commencer autrement. Mais puisqu’en morale, l’imagination s’exerce habituellement dans des situations assez banales et courantes, les quatre anecdotes suivantes offriront une bonne entrée en matière. 1. J’ai neuf ou dix ans. Je regarde un film d’aventure en noir et blanc. Quelque part en Afrique, des explorateurs anglais ont monté une expédition qui sillonne en file indienne un étroit sentier le long d’un précipice. Plusieurs porteurs noirs tombent. En tête, les explorateurs anglais ne chignent pas. Je m’interroge : pourquoi les explorateurs n’ont-ils aucune réaction émotionnelle ? Pourquoi avoir engagé des porteurs si ce qu’ils portent n’est pas important ? Et surtout : pourquoi les héros blancs ne tombent-ils jamais dans des précipices ? 2. Je feuillette le guide pratique Les plaisirs de l’amour lesbien (je n’ai plus neuf ou dix ans). La section intitulée « Comment organiser une partouze » retient mon attention. L’auteure a cette remarque qui me frappe autant par son exotisme que par sa pertinence morale : « Ne