E-Book Content
CULPABILITE ET SILENCE EN DROIT COMPARE
Logiq ues J uridiq ues collection dirigée par Gérard MARCOU
Charlotte GIRARD
CULPABILITE ET SILENCE EN DROIT COMPARE Préface d'Alain CLAISSE
Éditions L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris
L 'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) - CANADA H2Y IK9
@ L'Harmattan,
1997
ISBN: 2-7384-5507-7
A mes parents, à Jean-Baptiste.
PREFACE
Devons-nous nécessairement répondre aux questions de la police ou de la justice? Le silence n'est~il pas un aveu implicite de culpabilité? Les questions se posent depuis des siècles au pénaliste, comme le montre l'étude de Charlotte Girard, et les réponses qui ont pu être apportées ne sont pas sans nuance. La comparaison sur ce point entre la GrandeBretagne et la France est particulièrement opportune, car par tradition et même, serait-on tenté de dire, par atavisme les Français sont enclins à répondre par l'affirmative et les Britanniques par la négative. D'où vient cette différence radicale d'approche et que nous révèle-t-elle en profondeur quant à la conception des droits de l'homme et des libertés fondamentales? L'analyse de Charlotte Girard nous invite sur ce point à la prudence. Il est tentant au premier abord de livrer une clef historique simple, mais quelque peu manichéenne: de ce côté de la Manche nous demeurions gangrénés par les ravages de l'inquisition, alors que l'Eglise anglicane, tout comme ses adversaires puritains, ont très tôt affirmé leur refus de la politique papale, y compris lorsqu'elle entendait lutter contre les hérésies avec les moyens que l'on sait. Ce qui prévaudrait en France serait donc la recherche par la société, et ceux qui prétendent agir en son nom, de ce qui est supposé être la vérité. En toute hypothèse, l'aveu constituerait la preuve" la meilleure, la plus claire et la moins coûteuse de toutes ", selon l'expression de Philippe de Beaumanoire, rédacteur des
7
coutumes de Beauvaisis en 1283. Et de fait les efforts des puissances séculières, ainsi que l'avait ordonné, dès la fin du Xllème siècle, le Pape Innocent III, relayé peu après par l'Empereur Frédéric et le roi Louis VIII chercheront à obtenir des hérétiques, blasphémateurs et autres renégats qu'ils reconnaissent leurs crimes. De nos jours encore, à défaut de confession publique, condensée par écrit et signée par son auteur, le juge instructeur ne s'efforce-t-il pas, à travers une quête solitaire et secrète, de faire apparaître tous les éléments propres à fortifier l'intime conviction de la formation de jugement? Le justiciable n'est que périphérique, il est interrogé, invité à produire tous les éléments de preuve, mais il n'aura accès au dossier que du jour de sa mise en examen. Charlotte Girard nous montre cependant combien cette opposition entre les deux pays peut être excessive. Les Français n'ignorent pas les principes d'une procédure accusatoire, comme le montre l'exemple de la refonte complète de la procédure criminelle à la Révolution et notamment l'institution du jury. Les excès révolutionnaires conduiront bien vite à réduire l'influence de la procédure accusatoire. Le débat se maintiendra pourtant tout au long du XIXèmesiècle pour aboutir à une procédure essentiellement inquisitoire, tempérée de quelques éléments accusatoires, sans que soit reconnu pour le justiciable le droit au silence, même si en filigrane il transparaît de plus en plus. Du côté britannique, la réalité est aussi complexe. Certes, historiquement on commence très tôt à résister au droit pontifical et le Pape lui-même manifeste beaucoup de méfiance vis-à-vis de cette province lointaine et indisciplinée d'Outre Manche. La rupture, consommée en 1534 par Henry VIII, précipite un mouvement déjà amorcé depuis deux ou trois siècles. Dès lors, tout ce qui vient du continent est accueilli a