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Les Années sans pardon, le plus dur et le plus poétique des romans de Victor Serge, est une évocation apocalyptique de la Seconde Guerre mondiale. Nourrie de son expérience personnelle, cette œuvre posthume terminée en 1946 dut attendre 1971 avant d’être publiée, par François Maspero. Quatre grands volets évoquent tour à tour le Paris irréel des derniers jours de l’avant-guerre, les mille jours de Leningrad assiégée par les nazis, le Götterdämmerung des derniers jours de Berlin dévastée et la selva mexicaine où se confondent la vie et la mort. Dans cet univers de catastrophe, les protagonistes – communistes sans illusions étouffés par le totalitarisme stalinien – combattent le fascisme et cherchent à "s’évader d’un monde sans évasion possible." Grand peintre d’atmosphère, Victor Serge pousse ici son réalisme jusqu’à l’hallucination, propose des visions débordantes, terribles et poétiques de survivants dans les décombres d’une civilisation qui s’autodétruit. Dans ce roman qui « annonce et précède la littérature allemande de l’après-guerre (Le Monde, 1971), Victor Serge pose les problèmes de l’action, de l’art et de l’intelligence critique, et y répond par de mystérieuses métaphores comme le "feu central," les « masques funèbres » gisant sous la terre, et la puissance impudente et irrésistible d’une banane poussant dans le sol volcanique de la selva.
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Victor Serge Les années sans pardon En couverture : El Instante, par Vlady Kibaltchich. Victor Serge « Je conçois l’écrit comme un moyen d’exprimer pour les hommes ce que la plupart vivent sans savoir l’exprimer, comme un moyen de communion, comme un témoignage sur la vaste vie qui fuit à travers nous et dont nous devons tenter de fixer les aspects essentiels pour ceux qui viendront après nous […]. Écrire devient une recherche de polypersonnalité, une façon de vivre divers destins, de pénétrer autrui, de communier avec lui. L’écrivain prend conscience du monde qu’il fait vivre, il en est la conscience et il échappe ainsi aux limites ordinaires du moi, ce qui est à la fois enivrant et enrichissant de lucidité. » Le révolutionnaire Victor Serge (1890-1947), de son vrai nom Kibaltchich, est né à Bruxelles de parents russes antitsaristes exilés. Dès son adolescence mal nourrie, il milite dans les rangs des anarchistes belges, français et espagnols. En 1919, après six ans de prisons françaises, il débarque à Petrograd en pleine guerre civile et s’engage au côté des bolcheviks. Son travail au Komintern le met en contact avec Zinoviev, Lénine et les chefs de la Tcheka, auprès desquels il intervient pour sauver des anarchistes persécutés. Dérouté par la sauvage répression des insurgés de Kronstadt (mars 1921), Serge part en Allemagne dans l’espoir d’y réveiller la révolution mondiale. Bientôt, il passe à l’opposition, s’engage avec Trotsky, se voit exclu du Parti, arrêté, enfin déporté en Asie centrale. Une dizaine de livres publiés à Paris (dont trois romans) lui valent une campagne en faveur de sa libération. En 1936, Staline l’expulse vers la Belgique où Serge reprend la lutte, dénonçant les procès montés à Moscou contre les vieux bolcheviks, collaborant avec Trotsky, défendant le POUM espagnol. Après la défaite de 1940, il se réfugie à Marseille, puis au Mexique où il mène une vie précaire, persécuté par les staliniens. L’écrivain La renommée de Serge le militant exemplaire, dont on cite souvent les Mémoires d’un révolutionnaire (Laffont, coll. « Bouquins », 2001) a longtemps occulté son talent de créateur littéraire, comme si ces deux activités étaient contradictoires. Romancier soviétique de langue française, Serge s’inscrit consciemment « dans la lignée des écrivains russes » (Tolstoï, Dostoïevski, Korolenko, Gorki). Pendant les années 1920, Serge participe avec Blok, Biely, Iessenine, Maïakovski, Mandelstam et Pilnak à la renaissanc